L’Institut pour la Paix et la Sécurité (IPS) a facilité un atelier organisé par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur l’alerte précoce à Ourossogui (région de Matam) les 17 et 18 octobre 2024. Selon l’Initiative « Alerte précoce pour tous » des nations Unies (2022), un système d’alerte précoce est « un système intégré de surveillance des dangers, de prévision et de prédiction, des risques de catastrophe, les systèmes et processus d’activités d’évaluation, de communication et de préparation qui permet aux individus, aux communautés, aux gouvernements, aux entreprises et à d’autres acteurs d’adopter en temps opportun des mesures visant à réduire les risques de catastrophe avant que des événements dangereux ne se produisent ». Les systèmes d’alerte précoce constituent un outil essentiel pour aider la société à réduire ses vulnérabilités et s’adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes, hydrologiques et climatiques dangereux et la pauvreté qui en découlent. Ils permettent de prendre des mesures anticipées pour minimiser les pertes et les dommages et protéger les moyens de subsistance agricoles et assurer la sécurité alimentaire.

775534039 Laurette SANTANA

Le génocide au Rwanda en 1994 a fait plus de 800 000 morts. Malgré les multiples alertes, la communauté internationale ne put que faire le constat de l’absence de réponse rapide. La meilleure forme de protection est la prévention. L’union africaine a développé un système continental d’alerte précoce qui est l’un des cinq piliers de l’architecture africaine de paix et de sécurité 1 . Les « systèmes d’alerte précoce » (early warning systems, ou EWS), parfois appelés mécanismes d’alerte précoce, ont été développés vers le par différents acteurs (organisations de la société civile, agences des Nations Unies, gouvernements) comme outils d’anticipation et de réponse aux catastrophes naturelles et aux conflits armés. La prévention sauve des vies ainsi que les ressources. Les populations ne sont pas seulement soumises aux risques de conflit. Elles peuvent subir les conséquences de multiples risques qui affectent tous les secteurs de la vie (la santé, le bienêtre social, l’éducation, les activités économique,
l’environnement et les ressources naturelles ) :

– Catastrophe naturelle : tremblement de terre, éruption volcanique, tsunami,
– Risques techniques : accident industriel, chimique, nucléaire
– Risques sociaux et politiques : conflits communautaires, conflit politique ;
– Evénements climatiques extrêmes : tempête/cyclone ; sècheresse, inondation. …
stratégie anticipatrice, prédictive et préventive …

Un risque peut subvenir de manière isolée ou en conjonction avec d’autres risques. Ainsi, plusieurs pays du Sahel qui subissent déjà des conséquences des problèmes sécuritaires ont subi des inondations importantes des Commandée par le souci d’élimination des facteurs de risque, Les Systèmes d‘alerte précoce sont utilisés dans tous les secteurs pour prévenir en amont, par une démarche proactive, les facteurs de risque. La notion de surveillance s’ajoute à celle d’action rapide afin de fournir aux communautés, aux gouvernements, aux ONG et aux acteurs humanitaires les informations qui leur permettent d’agir effectivement et efficacement. Tous les acteurs institutionnels ou non et les communautés doivent être
impliqués.

Problématique 

Selon les Nations Unies, le tiers de la population mondiale, principalement dans les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement, ne bénéficie toujours pas de systèmes d’alerte rapide. Le secrétaire des nations Unies a lancé l’initiative « Alerte précoce pour tous » qui vise d’ici 2027 à garantir que chacun sur Terre soit protégé des phénomènes météorologiques, hydrologiques ou climatiques dangereux grâce à des systèmes d’alertes précoces. Lorsqu’elles sont associées à des interventions rapides, les alertes permettent d’atténuer l’effet d’un choc sur une communauté, de protéger les gains durement acquis par la communauté pour renforcer les perspectives d’avenir des hommes, des femmes, des garçons et des filles en son sein.

Les prévisions saisonnières 2024 2 de l’Agence nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie (ANACIM) annonçaient « Une saison des pluies 2024 globalement humide et des écoulements globalement supérieurs aux moyennes dans les principaux bassins fluviaux du Sahel ». Les pluies abondantes se sont étendues jusqu’au mois d’octobre tandis que l’ouverture des vannes du barrage de Manantaly, s’ajoute à la crue du fleuve Sénégal et de la Falémé amplifiant les prévisions d’inondation. Les villes de Balou, Kidira, Bakel, Moudéri, Dembancané (ainsi que les villages des communes) avaient les pieds dans l’eau. Les effets de la montée des eaux se faisaient déjà sentir le 18 octobre dans les départements de Podor et Matam 3 . Des centaines d’habitants sinistrés sont confrontés à des pertes d’habitats, des dégâts matériels, la perte de leurs revenus avec des centaines d’hectares de terre agricole submergés par les eaux et les cultures post hivernales de maraichage compromises. Les populations affectées, qui dans l’immédiat ont besoin d’eau et de nourriture, sont plongées dans une
précarité plus grande. Une enveloppe de 8 milliards a été annoncée par le premier ministre.
Avec les fortes pluies, des localités sont coupées et isolées. Les inondations amplifient les problèmes des zones périphériques peu intégrées et rendent plus difficiles l’intervention des unités de la puissance publique.

Les projections des changements climatiques indiquent un changement dans la distribution des pluies, avec parfois une fréquence plus élevée de précipitations. Dans la sous-région d’importantes précipitations ont provoqué des inondations au Tchad 4 , au Mali, au Niger, au Nigeria semblent confirmer cette tendance. Des milliers d’hectares de terres agricoles sont inondées au Tchad. Il est tombé plus de 500 mm de pluie en huit heure dans la commune de Chiva en Espagne. Le phénomène de la « goutte froide » et les intempéries intenses ont donné lieu à des niveaux de précipitation inédits. Les inondations au Sud de l’Espagne ont fait plus de 200 morts. La multiplication d’évènement météorologiques dévastateurs, Les sécheresses périodiques, les épisodes de pluie extrêmes et de leurs conséquences environnementaux, économiques, sociales s’additionnent aux risques sociaux, sécuritaires pour les populations et démontrent si besoin est l’urgente nécessité de consentir d’avantage d’efforts dans la réduction des risques, la création de systèmes d’alerte multirisques notamment.

Les dispositifs mis en place depuis plusieurs années répondent qu’après les inondations et ignorent les autres risques. Le plan national d’organisation des secours (ORSEC) a été mis en œuvre à pour répondre aux inondations en 2005, 2009, 2012, 2019, 2020 et 2021. Le plan ORSEC n’est pas dynamique et ne permet pas prévenir les aléas. En Espagne, l’Agence météorologique nationale Aemet avait déclenché l’alerte rouge à Valence. Il semble que les épisodes météorologiques ont pris une ampleur inédite 5 .

Les difficultés de la réponse sont nombreuses et les moyens insuffisants à l’échelle nationale
comme l’ont démontré les inondations de cette année. Les changements climatiques intensifieront les évènements météorologiques extrêmes avec des niveaux de destructions de
plus en plus importants. Il est indispensable de prévenir, pour éviter les pertes matérielles et
les décès en zone inondables, protéger les cultures. Il est important d’aller plus loin que les
annonces d’enveloppes financières, plus loin que les alertes des agences spécialisés. Les difficultés sont nombreuses, de communication avec les populations, de sensibilisation des populations qui ne réagissent pas toujours aux alertes.

Les unités d’urgences doivent être articulés autour d’un Système d’Alerte Précoce multirisque qui permettrait de traduire les informations données par les agences spécialisés (OMVS, ANACIM …), les institutions techniques (universités), les organisations régionales et internationales ainsi que les alertes communautaires en informations exploitables en une réponse efficace pour protéger les civils.

Système d’Alerte Précoce (SAP) multirisques, au-delà de la catastrophe

Comment anticiper sur les risques ? Malgré les prévisions des organes de météo, il est difficile de prévoir avec précision l’intensité et la localisation précise d’épisodes pluviométriques exceptionnelles. Le COVID a été une surprise stratégique sur le plan sanitaire. Aujourd’hui du fait des changements climatiques une tempête dans les caraïbes peut se transformer enquelques heures en ouragan dangereux. Il est indispensable d’investir dans la prévention, la préparation, le renforcement des capacités afin d’atténuer et de répondre aux dommages causés par les risques de catastrophes aux populations.

Les mécanismes d’alerte précoce ou « systèmes d’alerte précoce » (early warning systems) permettent de sauver des vies du fait qu’elles avertissent les populations d’un danger imminent, leur permettant de prendre des décisions pour protéger leurs vies et leurs moyens de subsistance. Selon l’Initiative « Alerte précoce pour tous » des nations Unies (2022), un système d’alerte précoce est « un système intégré de surveillance des dangers, de prévision et de prédiction, des risques de catastrophe, les systèmes et processus d’activités d’évaluation, de communication et de préparation qui permet aux individus, aux communautés, aux gouvernements, aux entreprises et à d’autres acteurs d’adopter en temps opportun des mesures visant à réduire les risques de catastrophe avant que des événements dangereux ne se
produisent ».

Les systèmes d’alerte précoce constituent un outil essentiel pour aider la société à réduire ses vulnérabilités et s’adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes, hydrologiques et climatiques dangereux et la pauvreté qui en découlent. Ils permettent de prendre des mesures anticipées pour minimiser les pertes et les dommages et protéger les moyens de subsistance agricoles et assurer la sécurité alimentaire.

Par une approche multirisque :

– Etablir les bases scientifiques et techniques solides d’un Système d’alerte Précoce multirisque ;

– Formaliser les éléments de l’alerte précoce, comprenant la détection, l’analyse, la prédiction, puis la diffusion des avertissements, suivi de la prise de décision et de la mise en œuvre des réponses…

– élaborer des capacités communautaire et nationales de systèmes d’alerte précoce de prévention de divers risques ou dangers en cascade et d’y répondre ;

– combler l’absence de Système d’Alerte Précoce par la mise en place d’un système multiniveau, au plan local, national, régional connecté au niveau international qui permettrait d’analyser d’anticiper, de prévenir les risques ;

– développer un système national qui ait une portée adéquate et la capacité de coordonner différents acteurs pour mettre en œuvre les mesures de prévention et de réponse.

– Elaborer l’architecture permettant de relier les différents niveaux d’acteurs.

La mise en œuvre d’un système d’alerte précoce repose sur une combinaison de facteurs et l’implication de plusieurs acteurs dont l’étude est indispensable pour trouver des solutions concrètes aux risques.

Connaissance scientifique : une connaissance plus scientifique des aléas, l’environnement social, l’aménagement de l’espace, les programmes d’hydrologie. Les institutions techniques nationales, régionales (l’ANACIM, l’OMVS), les universités, les centre de recherche, devraient être impliquées dans la production de données et la production de connaissances.

Connaissances endogènes : les connaissances scientifiques et les données de recherche produisent des données d’observation qui doivent être enrichis par des connaissances des populations. Le partage des connaissances et le mouvement entre les laboratoires et les communautés doit garantir une connaissance plus approfondie des déséquilibres socio-économiques et la continuité de la prévision. (Universités, laboratoires de recherche)

Enjeux sécuritaires : comprendre les informations sur les impacts des inondations sur les populations et les infrastructures clés telles que les maisons, les écoles et les centres de santé, ainsi que des informations sur les profils et les besoins primaires des populations touchées, afin de mieux éclairer la réponse humanitaire est indispensable. La connaissance de l’impact des risques sur les populations devrait orienter l’intervention des services techniques. Les politiques d’adaptation (agroforesterie, création d’ouvrage) sont à définir. Administration centrale, Institut pour la paix et la sécurité (IPS), Organisations internationales.

Communication : la définition de politique de communication en direction des populations est au cœur des systèmes d’alerte et pour mettre en place un plan d’évacuation.
Administration centrale.

Conclusion
Il est important pour la sécurité des populations de se doter d’un protocole d’information et de
protection, d’un Système d’Alerte Précoce dans tous les secteurs impliqués dans la réduction des risques de catastrophe, y compris la santé, la sécurité alimentaire, l’agriculture, la stabilité sociale, entre autres, afin de fournir aux communautés, aux gouvernements, aux ONG et aux acteurs humanitaires les informations qui leur permettent d’agir effectivement et efficacement. Les changements climatiques vont amplifier nos fragilités.